les notes
N° 16 / 29 mars 2012
Qui sème la restriction récolte la récession
Perspectives économiques 2012-2013 pour l’économie
mondiale
Département analyse et prévision1,
sous la direction de Xavier Timbeau
Le paroxysme de la crise des dettes souveraines est passé. La dette publique
grecque est restructurée et diminuera, au prix d'un défaut partiel, de 160 à 120 % du
PIB. Cette restructuration autorise le déblocage du soutien financier de la troïka à la
Grèce et résout pour l'instant le problème de financement du renouvellement de la
dette publique grecque. La contagion qui avait frappé la plupart des pays de la zone
euro, et qui s'était traduite par une hausse des taux souverains, est interrompue. La
détente est sensible par rapport au début de l'année 2012 et le risque d'un éclatement
de la zone euro est largement réduit, du moins dans le court terme.
Pour autant, le processus de transformation de la Grande Récession, amorcée en
2008, en très Grande Récession2 n'est pas interrompu par le soulagement temporaire
apporté à la crise grecque. D'une part, l'économie mondiale, et singulièrement la zone
euro, restent dans une zone à risque où, à nouveau, une crise systémique menace et
d'autre part, la stratégie choisie par l'Europe, à savoir la réduction rapide de la dette
publique (qui suppose la réduction des déficits publics et leur maintien en deçà des
déficits qui stabilisent la dette) compromet l'objectif annoncé. Or, puisque la crédibilité
de la stratégie est une condition indispensable en zone euro pour rassurer les marchés
financiers, et permettre le financement à un taux acceptable des besoins de finance-
1. Ce texte synthétise l'analyse de la conjoncture menée par le Département analyse et prévision de l'OFCE au
printemps 2012. Il a été rédigé par Céline Antonin, Hervé Péléraux, Mathieu Plane et Xavier Timbeau. Il s'appuie
sur le travail d'une équipe dirigée par Xavier Timbeau et composée de Céline Antonin, Christophe Blot, Marion
Cochard, Bruno Ducoudré, Amel Falah, Éric Heyer, Sabine Le Bayon, Catherine Mathieu, Hervé Péléraux, Mathieu
Plane, Christine Rifflart et Danielle Schweisguth. Il intègre les informations disponibles au 27 mars 2012.
2. Voir « La très Grande Récession : perspectives économiques mises à jour pour les grands pays développés en
2012 », sous la direction de Xavier Timbeau, Département analyse et prévision, Les Notes de l’OFCE, n° 9,
16 décembre 2011.
f
Département analyse et prévision, sous la direction de Xavier Timbeau
ment de la dette publique (entre 10 et 20 % de cette dette étant refinancés chaque
année), la difficulté à atteindre l'objectif oblige à une rigueur toujours plus grande. La
zone euro apparaît comme courant après une stratégie dont elle ne maîtrise pas les
leviers, ce qui ne peut qu'alimenter la spéculation et l'incertitude.
Nos prévisions pour la zone euro sont d'une baisse du PIB de 0,4 point en 2012 et
d'une croissance de 0,3 point en 2013 (tableau 1). Le PIB par tête baisserait en 2012
pour la zone euro et serait stable en 2013. Le Royaume Uni échapperait à la récession
en 2012, mais la croissance du PIB resterait en 2012 et en 2013 en deçà de 1 % par an.
Aux États-Unis, la croissance du PIB accélèrerait à 2,3 % par an en 2012 après une
année 2011 à 1,7 %. Bien qu'il soit supérieur à celui de la zone euro, ce taux de crois-
sance peine à enclencher une hausse du PIB par tête et ne permet pas une décrue
significative du chômage.
L'épicentre de la crise se déplace ainsi vers le Vieux continent et compromet la sortie
de crise pour tous les pays développés. Confrontés, plus encore que la zone euro, à une
situation budgétaire dégradée et donc à l'alourdissement de la dette (tableau 3), les
États-Unis et le Royaume-Uni sont également pris dans le pari sur la soutenabilité de
leur dette publique. La restriction budgétaire en zone euro pèse sur leur activité et ne
fait qu'accroître leurs difficultés.
Si l'activité peine à retrouver son niveau antérieur, le « new normal », c'est-à-dire la
nouvelle trajectoire de l'activité résultant de l'impact durable et permanent de la crise,
s'imposera comme le scénario réaliste. C'est ce que suggère par exemple l'analyse
historique conduite par le FMI3 où il apparaît que les crises bancaires réduisent de
façon permanente le niveau de l'activité de presque 10 points. L'extrapolation de cette
analyse à la crise actuelle ne saurait cependant être faite trop rapidement. La preuve
empirique apportée par l'analyse historique est faible d'autant qu'elle inclut dans
l'échantillon de nombreux «petits » pays. Il est difficile par exemple de conclure à un
impact permanent de la Grande Dépression des années 1930, même si la prospérité
n'est revenue que longtemps après le déclenchement de la crise.
Les trimestres qui viennent seront décisifs pour mesurer l'ampleur de l'ajustement à
réaliser. Si le « new normal » est la règle, alors il faut, pour retrouver un équilibre des
finances publiques, un ajustement de grande ampleur. Les écarts à la production
tendancielle sont de l'ordre de 5 à 10 points selon les pays et les déficits structurels
« new normal » du même ordre. En revanche, si l'impact est moins important, ou s'il
n'y a pas d'impact permanent, alors l'ajustement structurel à réaliser est bien moindre.
Le graphique 1 illustre ces possibilités pour la France. Une approche similaire peut être
conduite pour tous les pays développés.
En privilégiant la réduction rapide des déficits et de la dette publique, les décideurs
de la zone euro révèlent que leur croyance dans le futur est le scénario du pire. Reposer
sur la soi-disant discipline des marchés pour rappeler à l’ordre les pays dont les finances
publiques sont dégradées ne fait qu’accroître par le jeu du renchérissement des taux
d’intérêts souverains le problème de soutenabilité. Or, en induisant par un effet multi-
plicateur toujours sous-estimé dans l’élaboration des stratégies ou des prévisions
(encadré) une moindre activité, cette croyance résignée dans un « new normal »
dégradé semble se confirmer. In fine, elle ne fait que s’auto-réaliser.
2 note n° 16 / 29 mars 2012
3. Zdzienicka, A. et Furceri, D. (n.d.), « How Costly are Debt Crises? », papers.ssrn.com
Qui sème la restriction récolte la récession : Perspectives économiques 2012-2013
Tableau 1. Perspectives de croissance mondiale
Taux de croissance annuels, en %
Poids1
dans le total
PIB en volume
2011 2012 2013
Allemagne 4,2 3,1 0,3 0,8
France 3,1 1,7 0,2 0,7
Italie 2,6 0,5 -1,7 -0,9
Espagne 2,0 0,7 -1,1 -0,6
Pays-Bas 1,0 1,3 -1,1 0,5
Belgique 0,6 1,9 0,1 0,9
Autriche 0,5 3,1 0,4 0,8
Finlande 0,5 2,7 0,7 1,1
Portugal 0,3 -1,5 -2,9 0,2
Grèce 0,3 -6,2 -5,3 -0,3
Irlande 0,3 0,7 -0,3 0,9
Zone euro 15,5 1,5 -0,4 0,3
Royaume-Uni 3,2 0,9 0,7 0,9
Suède 0,5 4,0 0,8 1,6
Danemark 0,3 1,1 0,6 1,1
Europe à 15 19,4 1,5 -0,2 0,4
12 nouveaux pays membres 2,7 3,1 1,3 2,1
Europe à 27 22,0 1,7 -0,1 0,6
Suisse 0,5 1,9 0,2 1,0
Norvège 0,4 2,5 2,3 2,8
Europe 22,9 1,8 0,0 0,6
États-Unis 20,8 1,7 2,3 2,4
Japon 6,3 -0,6 1,9 1,5
Canada 1,9 2,3 2,0 2,3
Pays industriels 53,5 1,4 1,2 1,5
Pays candidats à l’UE2 1,5 7,6 1,7 4,3
Russie 3,3 4,3 3,5 3,8
Autres CEI3 1,3 5,9 3,7 4,2
Chine 11,5 9,2 8,3 8,1
Autres pays d’Asie 13,2 5,6 5,8 6,3
Amérique latine 8,7 4,3 3,3 3,5
Afrique subsaharienne 2,3 4,9 5,5 5,3
Moyen-Orient et Afrique du nord 4,8 3,1 3,2 3,6
Monde 100 3,5 3,1 3,4
1. Pondération selon le PIB et les PPA de 2008 estimés par le FMI.
2. Croatie, République de Macédoine et Turquie.
3. Communauté des États indépendants.
note n° 16 / 29 mars 2012 3
Sources : FMI, OCDE, sources nationales, calculs et prévision OFCE mars 2012.
Département analyse et prévision, sous la direction de Xavier Timbeau
Ces ajustements ne laisseront pas la croissance indemne, et le retournement
conjoncturel de la mi-2011, qui paraît engager la zone euro sur la voie d’une nouvelle
récession, rappelle les dangers qu’il y aurait à sous-estimer leur l’impact. On peut
escompter des effets multiplicateurs d’autant plus intenses que les restrictions budgé-
taires sont menées dans une situation conjoncturelle dégradée, avec des écarts de
production qui restent importants et un niveau de chômage élevé, sans que les pays
émergents ne puissent réellement amortir ces chocs négatifs en 2012 et en 2013. La
résistance à la baisse des ratios budgétaires pourrait alors conduire à une surenchère
dans la restriction pour rassurer les marchés. Si les gouvernements voulaient tenir
coûte que coûte des objectifs inatteignables pour la majorité d’entre eux, le choc sur
l’activité serait puissant, accompagné d’une récession violente et faisant réapparaître
le risque d’un nouveau défaut dans la zone euro. Et même à supposer que les efforts
consentis en Europe s’avèrent payants, le risque se déporterait de la zone euro vers les
pays anglo-saxons qui pourraient passer, compte tenu de situations budgétaires
toujours tendues auxquelles il n’aura pas vraiment été porté remède, dans le viseur
des marchés.
Graphique 1. Après la crise ou le « new normal » ?
Source : INSEE, calculs et prévisions OFCE, mars 2012.
5
6
7
8
9
10
1125 000
26 000
27 000
28 000
29 000
30 000
31 000
32 000
33 000
34 000
35 000
97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17
Pib par habitant
Taux de chômage en France
(éch. droite, inversée)
1,5 % par an
1,2 % par an
0,9 % par an
8,3 %
3,7 %
4 note n° 16 / 29 mars 2012
Qui sème la restriction récolte la récession : Perspectives économiques 2012-2013
Les multiplicateurs budgétaires
Il existe aujourd'hui un consensus relatif sur la valeur des multiplicateurs budgétaires à
court terme (1 à 2 ans). La valeur des multiplicateurs est estimée soit à partir de modèles
macroéconomiques, qu'ils soient macroéconométriques (les modèles de l'OFCE) ou DSGE
(les modèles des grandes banques centrales) ou à partir d'analyses historiques (comme
celle menée par le FMI). On pourra se reporter à Creel, Heyer et Plane (2011)1 pour une
revue de littérature, Coenen et al (2012)2 et à Creel (2012)3 pour un résumé de
l'approche par les DSGE et à Leigh et Pescatori (2011)4 pour l'approche historique. Au
total, on retient un multiplicateur positif, ce qui écarte complètement la possibilité d'une
restriction budgétaire expansionniste, proche de l'unité, quoique généralement inférieur
à 1. Il apparaît également que le multiplicateur est d'autant plus grand que l'économie est
dans une situation de panique financière, de chômage élevée ou de bas de cycle.
À partir des derniers chiffres de prévisions des grands instituts économiques, nous
avons évalué, à partir des informations fournies (croissance effective et potentielle, solde
structurel) les multiplicateurs budgétaires implicites à court terme utilisés dans les prévi-
sions pour la France en 2012. Cela suppose notamment de faire une hypothèse de
croissance spontanée de l'économie hors effet de l'impact des politiques budgétaires mais
qui intègre en revanche les autres chocs, notamment celui du pétrole. La Commission
européenne estime un multiplicateur autour de 1, alors que le MINEFI en donne une
évaluation plus faible (0,7). Nous l'évaluons à 1,2. Cette différence conduit en général les
gouvernements à estimer un impact des politiques budgétaires sur l'activité moindre que
celui de nos estimations.
Évaluations des multiplicateurs budgétaires implicites pour la France
utilisés par les grands organismes de prévision
PIB (en %, en volume) (1)
OCDE 0,3
Commission européenne 0,6
MINEFI*** 1,0
OFCE 0,2
PIB potentiel (en %, en volume) (2)
OCDE 1,5
Commission européenne 1,0
MINEFI*** 1,7
OFCE 1,5
Impulsion budgétaire* (en % du PIB) (3)
OCDE -1,6
Commission européenne -0,7
MINEFI*** -1,5
OFCE -1,4
Supplément de croissance (en % du PIB)** (4)
OCDE 0,4
Commission européenne 0,4
MINEFI*** 0,4
OFCE 0,4
Croissance spontanée du PIB (en %, en volume)
(5 = 2 + 4)
OCDE 1,9
Commission européenne 1,4
MINEFI*** 2,1
OFCE 1,9
Multiplicateur budgétaire implicite (1-5)/(3)
OCDE 1,0
Commission européenne 1,1
MINEFI*** 0,7
OFCE 1,2
* Calculé comme l'inverse de la variation du solde structurel
** Fermeture spontanée de l’outputgap hors politique budgétaire mais y compris autres chocs (pétrole, monétaires…)
*** les chiffres correspondent à ceux du Rapport Economique Social et Financier de novembre 2011 (mis à jour après
l’annonce du plan de rigueur du 7 novembre 2011).
Sources : Prévisions OFCE mars 2012, Perspectives économiques de l’OCDE de novembre 2011, Prévisions économiques
note n° 16 / 29 mars 2012 5
d’Automne 2011 de la Commission Européenne, RESF mis à jour (novembre 2011) du PLF 2012 du MINEFI, calculs OFCE,
Département analyse et prévision, sous la direction de Xavier Timbeau
Au-delà du court terme, il existe un consensus discutable sur le fait que les multiplica-
teurs sont nuls. Ce consensus reflète cependant une hypothèse de construction des
modèles plutôt qu'une conséquence d'autres hypothèses ou d'une tentative de mesure à
partir de données historiques. Il est cependant difficile d'infirmer ou de confirmer cette
hypothèse, pourtant cruciale pour traiter de la question de la soutenabilité de la dette à
long terme. La convergence du consensus ne suffit pas en soi à justifier le choix particulier
qui est généralement fait d'un multiplicateur nul à long terme. Il existe beaucoup d'argu-
ments pour soutenir que les multiplicateurs sont non nuls à long terme directement ou
indirectement (voir de Grauwe (2010) par exemple, les travaux sur l'hystérèse, ou les
modèles façon Philippe Aghion sur la R&D ou les modèles à agents hétérogènes). Dans le
cadre de cet exercice de prévision, l'horizon temporel ne nécessite pas de préciser les
multiplicateurs à long terme. Leurs valeurs sont d'une grande importance pour la discus-
sion du « new normal » et du risque d'une trajectoire autoréalisée.
1. Creel, J., Heyer, É., & Plane, M. (2011), « Petit précis de politique budgétaire par tous les temps Les
multiplicateurs budgétaires au cours du cycle », Revue de l'OFCE, n° 116 / janvier 2011.
2. Coenen, G., Christopher J. Erceg, Freedman, C., Furceri, D., Kumhof, M., Lalonde, R., Laxton, D., et al. (2012),
« Effects of fiscal stimulus in structural models », American Economic Journal: Macroeconomics, 4(1), 22-68,
International monetary fund (IMF).
3. http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/?p=1363
4. Leigh, D., & Pescatori, A. (2011), « Expansionary Austerity New International Evidence », IMF Working Paper,
(11/158).
Politique monétaire : assouplissement consensuel
La dégradation des perspectives économiques et le maintien du chômage à un
niveau élevé a poussé les principales banques centrales (BCE, FED et Banque d’Angle-
terre) à instaurer de nouvelles mesures d’assouplissement fin 2011 et début 2012,
malgré le regain de tensions inflationnistes liées à la forte poussée des prix du pétrole
fin 2011-début 2012. En particulier, la dégradation des conditions de financement en
zone euro ont conduit la BCE à infléchir sa politique et à injecter de la liquidité dans le
secteur bancaire. Alors que tous les pays développés sont, à des degrés divers, engagés
dans un processus de réduction des déficits, l’outil monétaire est donc le seul capable
de limiter l’effet récessif sur les économies développées, d’où l’utilisation expansion-
niste qui en est faite par les autorités monétaires.
Alors que la BCE avait manifesté sa volonté de normaliser sa politique monétaire en
remontant ses taux mi-2011, et malgré une progression de l’inflation en 2011 (2,7 %),
la morosité du marché du crédit en zone euro l’a conduite à infléchir sa politique en
abaissant fin 2011 son taux directeur pour le ramener à 1 %. Pour soutenir le renforce-
ment de l’activité de prêts bancaires et de la liquidité du marché monétaire de la zone
euro, la BCE a également décidé de mener deux opérations de refinancement à long
terme (LTRO) à échéance de 3 ans : la première, qui a eu lieu le 21 décembre 2011, a
permis d’octroyer 489 milliards aux banques au taux de 1 % ; la seconde du 29 février
2012 a alloué 529,5 milliards d’euros à 800 banques européennes, toujours à trois ans
et toujours à 1 %, ce qui a favorisé leur retour sur le marché des titres obligataires
privés. En outre, depuis mai 2011, la BCE mène une politique d’achat de dette
publique des pays en crise (pour un montant estimé à 219 milliards d’euros début mars
2012). Au total, ces opérations ont conduit à une forte augmentation de son actif,
passé de 2 000 milliards d’euros fin 2011 à 3 000 milliards en mars 2012. Étant donnée
le rôle plus important du crédit bancaire dans la zone euro qu’aux États-Unis, la BCE
6 note n° 16 / 29 mars 2012
reste particulièrement attentive à l’évolution des conditions de crédit, même si la
Qui sème la restriction récolte la récession : Perspectives économiques 2012-2013
progression du chômage en zone euro et la récession dans certains pays (Portugal,
Grèce, Italie) ont dû également motiver ses décisions.
Le bilan de la Réserve fédérale américaine, gonflé par les mesures d’assouplissement
quantitatif QE1 et QE2, a moins progressé, passant de 2 600 milliards de dollars mi-
2011 à 2 800 milliards en mars 2012. La Réserve fédérale américaine a décidé de laisser
ses taux directeurs inchangés au vu de la situation de l’emploi toujours dégradée. En
affichant ses prévisions à l’horizon fin 2014, la Réserve fédérale prévient que le taux de
chômage restera probablement au-dessus du niveau normal de long terme estimé à
6 %. Dans ces conditions, et pour soutenir la croissance, elle maintient le taux objectif
des Fonds fédéraux à leur niveau plancher et confirme que compte tenu du niveau de
croissance, sa politique restera très accommodante à l’horizon fin 2014. Même si un
troisième plan d’assouplissement quantitatif (QE 3) semble peu probable à court terme,
en raison de la résurgence de l’inflation, il pourrait néanmoins intervenir courant 2012
si les perspectives se dégradent sur le plan de l’emploi : la Fed pourrait ainsi acquérir
soit des obligations d'État, soit des créances immobilières à long terme, avec pour
objectif principal de soutenir le marché immobilier américain. Ces liquidités seraient
toutefois « stérilisées », ce qui permettrait de maintenir l’inflation à des niveaux bas.
La situation est identique au Royaume-Uni où la Banque d’Angleterre s’inquiète
davantage de la détérioration de la situation économique que de l’accélération de l’infla-
tion. Le Comité de politique monétaire (CPM) de la Banque d’Angleterre a massivement
soutenu la croissance depuis le début de la crise, laissant de côté l’objectif d’inflation qui
lui est donné par le gouvernement. Le CPM a en effet pour mandat de tout mettre en
œuvre pour que l’inflation soit proche de 2 % (en termes d’IPCH), dans une fourchette
de +/-1 %. Or l’inflation a franchi 3 % à l’automne 2010, pour accélérer ensuite et
atteindre 5,2 % en août 2011. Mais le CPM a laissé son taux directeur inchangé à 0,5 %
depuis mars 2009, et a par deux fois augmenté son programme d’achats d’actifs depuis
l’automne dernier, le portant de 200 à 275 milliards de livres en octobre 2011, puis à
300 milliards de livres en février 2012. Le CPM avait justifié l’absence de durcissement
de sa politique par le caractère temporaire de l’accélération de l’inflation (du fait de
deux hausses successives de TVA en janvier 2010 et janvier 2011 et de la hausse des prix
des matières premières), alors que l’économie est en sous-emploi. Au début du prin-
temps 2012, tous les membres étaient favorables à un statu quo monétaire, à l’exception
de deux membres (David Miles et Adam Posen), ayant voté en faveur d’une hausse de
25 milliards du programme des achats d’actifs. Les perspectives de poursuite de ralentis-
sement de l’inflation à l’horizon de la fin 2013, avec un retour de l’inflation à 2 %
permettront au CPM de poursuivre une politique de soutien à la croissa