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Chapitre 1
Comment composer votre discours
Définissez le ton de votre discours
Avant même d’écrire le premier mot du discours, il est impératif
de déterminer le ton, comme en musique. Il constituera le fil
rouge, en quelque sorte, et rien n’empêche de tricoter deux tons
différents, à partir du moment où les auditeurs n’en sont pas per-
turbés.
La rhétorique classique, encore elle, avait fixé plusieurs tons en fonc-
tion des circonstances : le judiciaire, le délibératif et l’épidictique. Et
chaque ton avait ses caractéristiques propres : une finalité précise, un
ton spécifique, des tours rhétoriques bien identifiés, etc. Quel que
soit l’intérêt de ces catégories antiques, il faut comprendre que la
rhétorique qui fonde le discours relève d’un code social, un peu
comme la disposition protocolaire d’une table de dîner officiel ;
l’orateur assume en effet sa langue et s’efforce de la rendre excel-
lente : c’est à cette aune-là qu’il sera jugé.
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Aussi faut-il tenir pour ridicules les sottises écrites par des auteurs
qui confondent publicité et rhétorique : à les entendre, il faudrait
en toute situation des mots percutants, des phrases courtes, etc. La
question n’est pas de proscrire ce style mais de ne pas lui donner en
tous lieux et en tous temps la priorité.
La bonne mesure est de prendre en compte les attentes sociales et
symboliques de son auditoire. Imaginons un élu préparant un
discours pour l’inauguration d’un monument à la Résistance, un
religieux s’apprêtant à prononcer une oraison funèbre : quelles
seraient les attentes des auditoires ?
Sans les reprendre telles quelles, on peut exploiter ces catégories
antiques et, peut-être, s’amuser à déterminer des « tours » d’élec-
tion pour tel ou tel ton, lesquels seront tous développés au cours de
cet ouvrage.
Exposé
Sa finalité Expliquer, présenter
Son ton Modéré, sobre, égal, pédagogue
Ses tours de prédilection Audibilité de la structure, chleuasme
(figure de modestie)
Hommage
Sa finalité Saluer un départ, remercier
Son ton Lyrique, grave, noble
Ses tours de prédilection Métaphores, archaïsmes
Polémique
Sa finalité Railler, disqualifier, attaquer
Son ton Offensif, moqueur
Ses tours de prédilection Exclamation, dérivation, néologismes,
familiarités.
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Évidemment, ces catégories ne sont présentées ici que par commo-
dité et elles ne prétendent nullement se constituer en règles. Tout au
plus peuvent-elles prétendre à convaincre le lecteur que le ton d’un
discours est un aspect important et qu’il convient de réfléchir,
comme pour une symphonie, à la « couleur » générale.
Le premier tour des présidentielles 2007 :
un déferlement évangélique
Des exemples éclatants de cette volonté de « colorer » un discours
nous ont été donnés par les candidats aux élections présidentielles
de 2007, lors du soir du premier tour. En l’occurrence, la couleur
choisie était nettement marquée d’espérance évangélique. À tout
seigneur tout honneur dans le genre, commençons par François
Bayrou :
« J’ai une bonne nouvelle pour vous. […]
C’est à ces millions de Français que je pense : ils ont fait une magni-
fique campagne électorale. Ils ont formé une force nouvelle, la seule
force nouvelle de la politique française. Ils ont ouvert un chemin
d’espoir pour la France et ce chemin d’espoir ne s’arrêtera pas. Il y a
enfin un centre en France. Un centre large, un centre fort, un centre
indépendant capable de parler et d’agir au-delà des frontières d’autre-
fois. Ceux-là, ces millions de Français, ont compris que la vieille guerre
des deux camps ne répondait plus au mal de la France. Je vous le dis :
le mal de la France est plus grave qu’on ne le croit dans les deux partis
qui sont encore ce soir arrivés en tête.
Nous ne sortirons pas la France de la situation qui fait souffrir tant de
femmes et d’hommes qui ont besoin qu’on s’occupe d’eux et pas des
guerres de partis. Nous n’en sortirons pas sans un changement profond.
Ceux-là, ces millions de citoyens ont voulu qu’on ne raconte pas d’his-
toire au pays, que l’on ne fasse pas de fausses promesses, qu’on les
regarde comme des citoyens, c’est-à-dire comme des responsables.
Cette espérance que nous avons fait naître, j’en ai la charge, je ne
l’abandonnerai pas, ni une minute, ni une seconde pendant les jours, les
semaines et les mois qui viennent. J’aime cette espérance. Je mettrai
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toutes mes forces à rénover la politique française. Je l’ai rénovée hier, je
la rénoverai demain. Je n’abandonnerai aucune de ces convictions. Je
ne reviendrai pas en arrière.
[…] Toutes les décisions que je serai amené à prendre dans les jours qui
viennent, toutes les positions que nous adopterons, seront inspirées
par cette seule conviction : la nouvelle politique est en train de naître,
cette espérance est grande et juste, et personne, vraiment personne
ne l’arrêtera.
Je vous remercie. »
Le « mal de la France », et non « le mal français » : la France est
personnifiée ; « je vous le dis » ; l’emploi du verbe « souffrir » ; la
condamnation des fausses promesses ; l’allusion répétée à l’espé-
rance ; le serment de fidélité… nous sommes dans le registre du
dolorisme, de l’ordre moral et de la prédication qui se combine
avec des accents gaulliens de dénonciation de la guerre des partis.
On croirait entendre Jeanne d’Arc appelant les « partis » de France
à se mobiliser contre les Angloys !
Même son de cloche, si l’on peut dire, chez Nicolas Sarkozy, qui
aura fait feu de tous tons pendant sa campagne. Après un début
classique comprenant une invitation au débat… :
« Je veux dire à Madame Royal que je la respecte et que je respecte ses
convictions et que je souhaite que le débat de ce second tour soit véri-
tablement un débat d’idées. »
… Le candidat UMP se lance dans une invocation couronnée par un
tableau apocalyptique très en vogue chez certains auteurs « décli-
nistes » :
« J’ai voulu parler à ceux auxquels on ne parlait plus, aux travailleurs,
aux ouvriers, aux employés, aux artisans, aux agriculteurs, à la France
qui donne beaucoup et qui ne reçoit jamais rien, à la France qui est
exaspérée et qui souffre, celle des banlieues en difficulté, des bassins
industriels en déclin, des cantons ruraux abandonnés. »
Suit une synthèse de sa « promesse », laïcisée puisqu’elle insiste sur
le bonheur de l’individu et non du groupe :
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« J’ai voulu mettre au cœur de la politique des valeurs comme l’identité
nationale, l’autorité, le travail, le mérite. J’ai voulu parler de morale. J’ai
proposé la revalorisation du travail, l’école de l’excellence, la moralisa-
tion du capitalisme financier, la révolution du développement durable.
J’ai dit que ma priorité était de donner à chacun le moyen d’accomplir
ses rêves, de réaliser ses ambitions, de réussir sa vie. »
Suit l’engagement solennel de les sauver des malheurs qui les
menacent et/ou les accablent :
« Ces principes sont le fondement de mon projet politique. Quels que
soient les obstacles, je n’y renoncerai pas, je ne les renierai pas parce
que je suis profondément convaincu que l’avenir de notre pays, sa
prospérité, sa place dans le monde en dépendent. Comme en dépend
le bonheur des Français. Dans les 15 jours qui restent avant le second
tour, je veux dire à tous les Français qui ont peur de l’avenir, qui se sen-
tent fragiles, vulnérables, qui trouvent la vie de plus en plus lourde, de
plus en plus dure, que je veux les protéger. Je veux les protéger
contre la violence, contre la délinquance, mais aussi contre la concur-
rence déloyale et les délocalisations, contre la dégradation de leurs
conditions de travail, contre l’exclusion. […] Je veux parler à tous ceux
que la vie a brisés, aux accidentés de la vie, à ceux qu’elle a usés, à
ceux qui sont dans la détresse. Je veux parler aux malades, aux handi-
capés, aux personnes âgées, à ceux qu’une pression trop forte a
épuisés, à ceux qui ont trop souffert. »
Et l’on retrouve la classique « espérance » renforcée par la frater-
nité :
« Je veux leur redonner de l’espérance. Je veux leur dire que la France
dont je rêve est une France qui ne laisse tomber personne, une France
qui est comme une famille où le plus faible, le plus vulnérable, le plus
fragile a droit à autant d’amour, autant de respect, autant d’attention
que le plus fort […]. Cette France fraternelle, c’est celle qui m’a tout
donné. Je lui dois tout. Et à mon tour je veux tout lui rendre. Cette
France fraternelle j’invite tous les Français de bonne volonté, quels
que soient leurs origines, leurs croyances, leurs partis à s’unir à moi
pour qu’ensemble nous puissions la bâtir. Vive la République ! Vive la
France ! »
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« Nous avions avec Bayrou un christianisme républicain, commente
Alain-Gérard Slama1 avec son sens des formules brillantes, nous
rencontrons avec Sarkozy un républicanisme chrétien. »
Mais c’est Ségolène Royal qui, si l’on peut dire toujours, décroche
la palme, non du martyr mais de l’évangéliste2 ; chez elle aussi,
écho du déclinisme :
« Je veux une France qui renoue avec l’idéal de la République des
lumières, les droits de l’homme et de la femme et de la citoyenneté qui
ont fait sa force et sa beauté. Venez hommes et femmes de France de
tous âges, de tous milieux, de tous territoires et de toutes origines,
venez ; forces vives de notre belle nation, venez, serrons-nous les
coudes, ensemble nous allons rendre le sourire à notre pays, ensemble
nous allons conjurer les mauvais démons de la déprime et du déclin.
Chers compatriotes, rassemblons-nous, ce sont nos idées, notre idéal,
qui vont gagner car elles sont au service de la France et des Français,
de la paix civile et de l’harmonie sociale.
J’appelle toutes les énergies et l’espérance à se mettre en mouve-
ment pour une France victorieuse, une France présidente, fière d’elle-
même pour que les Français s’aiment en elle.
Notre victoire est possible car l’audace et la générosité sont là, c’est
une question de volonté et de cohérence, je les ai. J’ai besoin de vous
parce que la France a besoin de vous.
Vive la République vive la France. »
1. Au micro de France-Culture dans sa stimulante chronique quotidienne. L’auteur de ce
petit opuscule, qui regarde fort peu la télévision, et surtout pas les soirs d’élection, le
remercie de cette chronique qui lui a permis de découvrir avec stupeur ces accents de
reconquista.
2. Pour une analyse des discours de campagne à partir d’un très ingénieux « carré sémioti-
que des modes d’ancrage », voir le modeste mais captivant opuscule de Denis Bertrand,
Alexandre Dézé et Jean-Louis Missika, Parler pour gagner, Presses de Sciences Po,
mars 2007. De même, on consultera avec profit le livre de Christian Salmon, Storytelling,
La Découverte, 2007 : l’auteur y analyse la propension des politiques à « raconter des
histoires » sur le modèle du marketing.
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« Déferlement de pathos », conclut Slama. Les trois sont, à notre
goût, à la même enseigne de ce point de vue. Et, pas loin derrière,
Jean-Marie Le Pen, à Valmy, qui sert à son auditoire un mix de Jésus
et de Pascal :
« En vérité je vous le dis, dans sept mois, c’est-à-dire demain, il s’agira
de vaincre ou de périr, de se relever ou de se soumettre.
Car je vous le dis en vérité, nous avons tout à gagner et qu’avons-nous
à perdre ? »
Variez le ton mais gare aux sorties de route
Il est difficile, surtout quand un discours est long, de ne jouer que
d’un seul ton : c’est évidemment le cas de l’exposé. Combien de
machins interminables, atrocement ennuyeux l’auteur de ces lignes
n’a-t-il pas dû lire pour préparer ce petit ouvrage ! Il est donc pri-
mordial de varier le ton. Gare cependant aux ruptures brutales, ou
de mauvais goût. Ainsi ce discours prononcé par le président de
l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, souvent plus inspiré, à
l’occasion de l’inauguration d’une statue de Jean Moulin à Béziers
en décembre 20041 :
« Ces mêmes drapeaux glorieux de nos armées nous entourent
aujourd’hui à Béziers. Dans quelques instants, leur mât va s’incliner et
je rends hommage aux hommes et aux femmes qui les portent. Je
salue l’héroïsme et le courage de tous les membres de cette armée de
l’ombre qui a, dans le sillage de Jean Moulin, permis à la France d’être
assise à la table des vainqueurs. »
Tout allait plutôt bien : le ton était grave, noble (« glorieux », « aux
hommes et aux femmes », « l’héroïsme et le courage de tous », « armée de
l’ombre ») et soudain, à la fin de la phrase, une trivialité qui vient
briser l’élan lyrique : « être assise à la table des vainqueurs ». On ne
1. Nous reviendrons à plusieurs reprises sur ce discours, au demeurant très intéressant pour
la série de tours rhétoriques qu’il utilise (disponible sur le site de l’Assemblée nationale).
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pouvait trouver pire chute : « assise à la table ». La phrase suivante
souffre du même mal :
« À travers Jean Moulin, c’est la France du redressement national que
nous honorons aujourd’hui, la France de la lutte dans l’honneur, une
France qui ne renonce pas et qui tourne le dos à la défaite. »
Ton héroïque : « C’est la France/la France de/une France qui » et sou-
dain, cette fin piteuse : « qui tourne le dos à la défaite ». « Pour aller
où ? », a-t-on envie de demander. Une France qui « tourne le dos »
et se retrouve « assise à la table des vainqueurs »…
Le ton héroïque ne souffre pas la médiocrité, c’est là le drame.
De la tenue avant toute chose
Quel que soit l’effet recherché, il pourrait tomber à plat si le fran-
çais est massacré, si les mots sont impropres. Les exemples seraient
foule. Un entre mille : « alibi ».
On connaît le sens de ce mot (« ailleurs ») venu du latin et qui en est
venu à signifier « ruse illégitime pour échapper à une condamnation ».
Pourquoi pas, après tout ? Le français évolue et c’est très bien. Mais
dans cette citation, le mot a perdu tout sens identifiable :
« … il n’est pas vrai que le savoir soit d’abord l’alibi du pouvoir. Rom-
pons avec cette théorie vaseuse. Partons à l’assaut de la connaissance,
pour conquérir notre liberté.1 »
Le savoir, alibi du pouvoir ? On comprend que l’orateur trouve
l’idée vaseuse ! Mais il est loin d’être le seul à employer des mots
ou des formules à tort et à travers. Passe encore quand on dit des
sottises dans le feu de l’improvisation, mais quand les discours sont
écrits, c’est proprement intolérable.
1. Jean-Pierre Chevènement, entretien au Monde, 1983, cité in Suhamy.
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Autre source de ridicule : la volonté forcenée de coller aux modes
langagières, surtout chez des gens connus pour leur sérieux papal.
Ainsi cette préfète de région qui vient inaugurer, par un bon dis-
cours très structuré – comme elle sait les faire d’ordinaire1 –, une
base de loisirs et qui se sent obligée de « causer tendance » :
« Axo’plage invente un nouveau concept de loisir et de détente, entre
les centres touristiques classiques et les initiatives citadines de plages
urbaines à Saint-Quentin ou Paris. De ce fait, Axo’plage est un nouvel
espace de rencontre et découverte mutuelle. C’est plus qu’une base
de loisirs, c’est une sorte de portail vers de nouvelles manières d’être
ensemble.2 »
On dirait une mauvaise plaquette de pub rédigée par des élèves en
première année de marketing.
Autre source de ridicule : les phrases alambiquées, la syntaxe mas-
sacrée. Soit cet extrait d’un discours d’un préfet inaugurant un
central téléphonique :
« Dans ce contexte, la prise en charge d’un appel, l’apport d’une
réponse précise, un entretien de bonne qualité valorisent l’image de
votre service et permet également des gains de productivité.3 »
Trop souvent la structure des phrases est sacrifiée au profit de la suc-
cession de mots à la mode, comme si l’on considérait inconsciem-
ment que le mot suffit à l’édification des masses, et que la phrase
n’est qu’ornement superflu, excellence d’instituteurs.
Autre exemple, du même orateur :
« … c’est un défi qu’il nous appartient de relever et de gagner
ensemble. »
1. Voir table www.aisne.pref.gouv.fr/2007/discours/
2. Préfète de l’Aisne, 7 juillet 2007 (www.aisne.pref.gouv.fr/2007/discours/).
3. Jean-Jacques Debacq, préfet de l’Orne, à l’occasion de la présentation du nouveau service
téléphonique de la CAF de l’Orne, 21 juin 2001.
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« Relever un défi », certes, mais « gagner un défi » ? L’orateur tenait
certainement à glisser le mot « gagner » qui lui semblait suffisant.
Quant à le rattacher correctement à ce qui le précède…
On trouve des bévues si souvent que les recenser occuperait des
armées d’analystes à temps complet. Ainsi chez Jean-Louis Debré :
« Nous avons pleinement conscience des efforts que vos pays ont dû
accomplir pour satisfaire aux critères politiques et économiques très
élevés exigés par l’adhésion : le chemin que les États membres ont par-
couru en plusieurs décennies, vous l’avez franchi en une décennie à
peine.1 »
« Franchir un chemin » ? M. Debré n’a peut-être pas voulu répéter
« parcouru ». Dommage : mieux vaut une répétition qu’une impro-
priété. Il aura peut-être voulu jouer sur la vivacité de « franchi ».
Chacun jugera (voir plus bas sur cette question des licences).
Évitez de « c… du marbre » mais ne tombez pas
dans la facilité
Dans Amadeus, le génial film de Milos Forman sur Mozart, on voit
et entend le bouillonnant « divin » reprocher à des personnages
d’opéra de « chier du marbre », en l’occurrence de ne rien dire qui
ne soit de grave et noble tenue. Dans un registre un peu plus relevé,
Hugo avait appelé à « mettre un bonnet rouge au vieux dictionnaire » :
« Et sur l’Académie, aïeule et douairière,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d’alexandrins carrés,
Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !2 »
1. Allocution introductive à la réunion avec les présidents d’Assemblées des dix nouveaux
États membres de l’Union européenne, 3 décembre 2003.
2. Victor Hugo, Les Contemplations.
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Votre discours, pourvu que la circonstance s’y prête, peut gagner à
des moments d’un ton détendu voire légèrement familier. C’est en
tout cas ce que tente le président d’Air France-KLM, Jean-Cyril
Spinetta1 :
« Tout comme ceux qui m’ont précédé à cette tribune, je suis très heu-
reux de pouvoir m’exprimer aujourd’hui sur la responsabilité environ-
nementale. Beaucoup de choses très intéressantes ont déjà été dites.
Le point positif est que nous sommes sur la même longueur d’ondes. »
C’est un moyen de signifier à ses auditeurs que l’on parlera fran-
chement. On peut même se permettre une pointe de familiarité si
la circonstance s’y prête, à la façon de François Bayrou dans les
exemples qui suivent :
« Nous, nous sommes des démocrates et, pour nous, cela signifie éty-
mologiquemen